LE LAOS du LIBRE ARBITRE ou LA LAOSOPHIE.

Que dit la Bible sur le libre arbitre ? 

Dieu est-il le maître de notre destinée ou sont-ce les Illuminatis, les Francs-Maçons, les Sectes, les Politiques, le Nouvel Ordre Mondial des Dictateurs? 

Sont-ce les hommes politiques qui sont mauvais ou ceux qui les élisent qui sont niais ?

Dieu nous honore en nous donnant le libre arbitre, la capacité de prendre nos propres décisions. Ni Dieu ni le destin ne déterminent à l’avance ce que nous faisons. Que dit la Bible à 
ce sujet ?

Le libre arbitre est un précieux cadeau de Dieu. Il nous permet de l’aimer « de tout [notre] cœur » — parce que nous avons choisi de l’aimer (Matthieu 22:37)


L’expression libre arbitre provient du latin «liberum arbitrium», littéralement la «liberté de la volonté» ou le «pouvoir de choisir». Dans son acception la plus ancienne, le libre arbitre est synonyme de liberté : c’est la capacité de se déterminer soi-même spontanément et volontairement. En un sens plus récent, le libre arbitre est la capacité de choisir entre plusieurs comportements. Enfin pour le dire dans un langage philosophique, c’est la capacité d’être la cause première ou absolue de nos actes. Le libre arbitre est donc le pouvoir que s'attribue l'homme de choisir entre plusieurs actions, d’être à l’origine de ses actes sans être déterminé par aucune nécessité. L'homme pour être libre, doit n’être contraint ou poussé par rien d'intérieur ou d’extérieur. Du point de vue de la conscience, personne ne peut décider à notre place et la moindre action digne de ce nom nous engage. Différer ses désirs, refréner ses réflexes, inhiber ses impulsions, le libre arbitre consiste à agir indépendamment de son passé psychologique. 


La plupart de nos actes sont des mécanismes irréfléchis et inconscients : réflexes, habitudes, instinct, peu nécessitent une délibération quand on a le choix, mais nous aurions pu réfléchir. Le libre arbitre est donc la faculté de se déterminer à agir, le sentiment d’avoir le pouvoir de décider même à partir de rien, sans motif, la capacité de commencement pur. Il ne porte pas sur toutes les incitations à l'action qui sont en nous, sur lesquelles nous ne pouvons rien et dont nous ignorons souvent l'origine, mais sur l'action consécutive à cette incitation. Peu importe l'origine de l’envie de... (au psychanalyste, l'explication définitive), le problème essentiel est de savoir si on peut y résister même si cela est difficile ou y succomber volontairement. Si oui, on est libre dans les actions que l’on pose. 


La thèse centrale des tenants de l’existence du libre arbitre est que nous sommes capables d’exercer notre volonté librement, ce qui est prouvé par notre aptitude à effectuer des choix aléatoires, dénués de liens d’intérêt. On résume cela par une formule simple : la liberté d’indifférence, (le plus bas degré de la liberté selon Descartes symbolisée négativement par l’âne de Buridan) : à savoir n’effectuer nos choix que mus par une volonté libre capable de trancher une situation d’indifférence (purement théorique car il y a toujours une raison qui motive notre volonté, même si l’on en a pas toujours conscience). 


Le paradigme du libre arbitre, c’est l’acte gratuit motivé et nécessité par rien. Gide, dans Le Prométhée mal enchaîné, dit que : “C’est là ce qui distingue l’homme des autres animaux : une action gratuite, un acte qui n’est motivé par rien, intérêts, passions, rien, l’acte désintéressé né de soi, l’acte aussi sans but donc sans maître, l’acte libre”. Est donc libre celui qui agit sans raison. L’homme pourrait ainsi accomplir n’importe quelle action, même un acte absurde. En ce sens seul le fou est libre, car rien de plausible ne l’arrête ou ne l’oblige (en réalité il n’a pas le choix car sa conscience réfléchie ne fonctionne plus). Dans Les Caves du Vatican, Gide fait accomplir à l’un de ses personnages un acte gratuit. Le jeune Lafcadio se rend à Rome et voyage dans le même compartiment qu’un vieillard qu’il ne connaît pas nommé Fleurissoire. 


Tout à coup le vieillard étant debout devant la portière, l’idée surgit dans l’esprit de Lafcadio de pousser son compagnon de voyage s’il peut compter jusqu’à 12 avant de rencontrer un feu. A 10, il aperçoit un feu et accomplit son forfait. Selon la croyance au libre arbitre, nos choix ne sont pas forcés comme l’écoulement d'une rivière par son lit. Nous choisissons une action et ce choix peut être fait parmi un certain nombre de possibilités. Le fait que nous ne soyons pas capables parfois de distinguer clairement les motifs qui interviennent pour influencer notre volonté ne dit rien non plus quant à l’indépendance de celle-ci vis-à-vis de ces motifs.


Dans son acception moderne, le libre arbitre est une invention des théologiens : Clément d’Alexandrie et surtout saint Augustin.La préoccupation principale de ces penseurs a été de concilier le dogme chrétien de la prédestination divine avec le principe de libre choix humain nécessité par la religion chrétienne. L’évêque d’Hippone a écrit vers 400, un livre De libero arbitrio, qui est undialogue avec son élève Evone. Le livre commence par cette question qu’Evone pose à Augustin : “Dis-moi je te prie, Dieu n’est-il pas l’auteur du mal ?” 
Au cours du dialogue on va voir que si une mauvaise action provenait de la nature de l’homme, c'est-à-dire de sa constitution innée ou acquise, la faute en serait évidemment au créateur de cette nature. Si cette mauvaise action était déterminée par des circonstances extérieures, ce serait pareil. Dans les deux hypothèses, l’homme serait innocent, et le seul responsable et coupable du mal serait le créateur de toutes choses : Dieu. Le libre arbitre est donc indispensable pour dédouaner Dieu des mauvaises actions de l’homme. Dieu l’a créé à son image en lui donnant en plus le libre arbitre. En résumé sans libre arbitre, l’homme serait déterminé et par conséquent innocent. Le seul responsable du mal serait Dieu. Ce qui permettra à André Comte-Sponville cette remarque “La confession n’absout pas seulement celui qu’on croit. S’accuser, c’est innocenter Dieu”. Et Cocteau dira dans Bacchus : “Le libre arbitre est l’alibi de Dieu”.


3-Critique du libre arbitre


On a donc le sentiment que nous disposons d’un libre arbitre car on peut toujours agir contre nos habitudes, nos passions, notre éducation, en fait contre nous-mêmes et on peut le présupposer chez les autres. Mais ce sentiment n’est pas une preuve manifeste de son existence. On peut en effet lui opposer une série d’objections : le déterminisme scientifique, les contraintes humaines : celles imposées par la vie en société et celles liées à notre nature.


A- Objections liées au déterminisme scientifique


Définition du déterminisme par Laplace en 1776 dans L’essai philosophique sur les probabilités : “Nous devons envisager l’état présent de l’Univers comme l’effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle et l’avenir comme le passé, seraient présents à ses yeux. Pourtant, l’expression de déterminisme universel implique, quant à elle, que le déterminisme s’applique à tout, aux pierres, aux bêtes, aux hommes également."


La connaissance du présent conduit donc à celle du passé comme de l’avenir. Tous les événements sont une suite des lois de la nature. Les événements actuels ont avec les précédents une liaison fondée sur le principe évident qu’une chose ne peut commencer à être sans une cause qui la produise. Le déterminisme est donc la croyance que les événements sont déterminés avant qu'ils n'arrivent, que tout est donc inévitable et est dû au principe de nécessité opposé au hasard. Ce principe du déterminisme naturel et universel est à la base de la science physique. On pourrait exprimer le déterminisme métaphoriquement en disant qu'il y a un livre dans lequel tout ce qui arrive est écrit ou que l'avenir existe déjà.

 
On pourrait même suggérer que le temps soit une illusion et que c'est seulement notre perspective limitée qui fait apparaître que les choses sont indécises : ce que nous appelons naïvement l'avenir. Le déterminisme est donc une thèse qui stipule qu’il n’y a pas d’événement sans cause et que dans les mêmes conditions les mêmes causes produisent les mêmes effets : c’est le principe de causalité. Tous les événements de la nature sont soumis à une nécessité rigoureuse et invariable. Dans cette perspective, une super intelligence qui connaitrait tout actuellement pourrait tout prédire. La difficulté à satisfaire ces conditions tient au trop grand nombre de variables et de facteurs impliqués dans le système. 


Cela ne tiendrait pas au fait qu’il n’y aurait pas de déterminisme dans la réalité mais à notre ignorance, donc une raison subjective et non pas objective. En météorologie par exemple : en droit on pourrait prédire avec certitude le temps qu’il fera demain en un lieu précis, à une heure précise, mais trop de facteurs entrent en jeu. Ainsi n’est-il pas impossible non plus en droit de prédire ce que ferait n’importe quel homme, pour autant qu’il puisse être décrit par un modèle déterministe. Les circonstances préexistantes déterminent nos actions et les rendent inévitables. C’est la conséquence concernant la nature du monde qu’ont tiré les philosophes du déterminisme scientifique. 


Si l'on veut nourrir l'ambition qu'un jour l'économie, la psychologie, la sociologie soient des sciences aussi exactes que les mathématiques, on doit poser le postulat que l'homme est déterminé. Car si le monde obéit au principe du déterminisme universel, pourquoi cela ne pourrait pas être aussi vrai en ce qui concerne l’être humain? Il y a toujours une cause de ce que je fais, cette cause elle-même a une cause, qui elle aussi a une cause, etc. mais je n'en ai pas conscience. D’où l’illusion de la liberté : je suis victime de ce que Spinoza appelle le préjugé finaliste. C'est-à-dire que je me dis «puisque je fais ceci ou cela en ce moment, c’est que je sais ce que je veux». Mais en affirmant que mon acte est libre, je ne fais rien d’autre que commettre une faute de logique, puisque j’affirme l’existence d’un acte sans cause. 


Même si je ne me rends pas compte, je suis déterminé à agir comme je le fais donc je ne suis pas libre. Alors on doit dire qu’il est exclu que l’on puisse faire autre chose que ce que l’on fait. On ne peut donc pas parler de liberté chez l'être humain, pas plus que chez l'animal. Le sentiment de liberté proviendrait de l'ignorance des causes qui nous font agir. Si la girouette était consciente, elle se croirait libre de tourner à gauche ou à droite parce qu'elle ne sait pas que c'est le vent qui l'entraîne. Le déterminisme, la nécessité non pas philosophique ou spéculative mais calculable qui réduit le hasard à une simple inconnue ne doit pas être confondu avec le nécessitarisme (tout ce qui existe est nécessaire et rien n’arrive qui ne soit nécessaire à la vue des événements antérieurs (Hobbes, Spinoza ou encore Diderot dans Jacques le fataliste). 


Spinoza indique : "une chose sera dite libre, qui existe sur la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir ; une chose sera dite nécessaire, ou plutôt contrainte, qui est déterminée par autre chose à exister et à opérer suivant une loi certaine et déterminée" -Ethique- ou le fatalisme de “fatum” (destin) des Stoïciens : la "nécessité fatale". L’événement se produira nécessairement quel que soit ce qui se passe auparavant etjustifie le sophisme du paresseux : puisque tout est déterminé par avance, alors il ne sert à rien que j’agisse, cela arrivera de toute façon. Le résultat prévu, prédéterminé, incite à ne rien faire, ce qui doit arriver arrivera quand bien même je ne ferai rien. Mais c’est un faux raisonnement qui nie le déterminisme puisqu’il admet que l’on peut avoir l’effet sans cause et il est paradoxal puisqu’il suppose le libre arbitre, la liberté de choix entre agir et ne pas agir. Le destin, c’est ce qui arrivera inévitablement. Il se fonde sur le thème nécessitariste de la connexion de toutes les causes dans une réalité unique : Œdipe, malgré lui, tuera son père et épousera sa mère. C’est aussi le «mektoub» des musulmans : Dieu les a créés, eux et leurs actes, alors cela arrive «inch’allah».


B- Objections liées à la vie en société


Les contraintes sociales et la nature du choix auquel elle est confrontée, rendent l'action de l'homme inévitable. Les traditions, les lois, la morale, la bienséance, toutes ces pressions sont exercées par la société de plus en plus liberticide pour nous conformer à des règles et ces nécessités peuvent s’opposer à la volonté individuelle et être vécues comme des contraintes. On ne peut pas faire tout ce qu’on veut au sens où on ne doit pas faire ce qui est socialement réprouvé et/ou moralement défendu et/ou légalement puni. On est aussi parfois obligé par les usages, les lois morales ou juridiques de faire des choses qu’on aimerait ne pas faire. On estime donc que les sanctions prévues par les lois nous privent de la possibilité de choisir et du coup on ressent ces obligations comme des contraintes et les interdictions comme des impossibilités. Car là où il n’y a pas de choix, on a affaire à la nécessité. Bourdieu dans La Distinction nous dit même que nos choix en matière esthétique : musique, lecture, loisir etc. sont nécessairement commandés par notre milieu. Où est ici la place du libre arbitre ?


C- Objections liées à la nature humaine


En ce qui concerne la liberté intérieure, il apparaît que la maîtrise de soi, la capacité à se décider par soi-même peut être remise en cause. N'est-on pas le fruit de notre passé psychologique, de la somme de toutes nos expériences, de nos désirs, de la constitution que nous avons hérité par notre héritage familial : nos gènes, notre éducation ? Nous sommes contraints par nous-mêmes car à nos buts viennent s’opposer nos défauts : comment résister à nos préjugés, à nos passions et à la faiblesse de notre volonté ? Le libre arbitre nous permet-il de résister à ce que Platon appelle l’ακράςια) ? Est-ce que l’on peut agir à l’encontre de son jugement ?


Ce qu’on pense vouloir par nous-mêmes, est-ce bien nous-mêmes qui le voulons ? Lorsqu’on décide de faire quelque chose, n’est-ce pas parce que nous y sommes poussés par diverses influences, comme celles de l’éducation, de désirs inconscients ou pas ? D’où le problème : soit la liberté intérieure de décider par soi-même est absolue, soit elle n’est qu’une illusion au sens où ce qu’on veut faire, on n’a pas choisi de le faire parce qu’on ne pouvait pas ne pas le vouloir. Notre volonté est-elle réellement libre ? N’est-elle pas plutôt la résultante de toutes nos pulsions, affects, désirs, instincts, passions, de tout ce qui constitue notre nature ? Toutes les actions de notre vie sont déterminées par notre caractère et il nous est impossible d’y échapper, En décidant d’agir de telle ou telle manière, je ne fais que traduire la motivation la plus forte qui l’a emporté au sein de ma volonté. De cette motivation, je n’ai pas conscience. Pour décider d’agir autrement il aurait fallu que je sois un autre.


Quant à l’acte de Lafcadio dont je vous ai parlé tout à l’heure : c’est un acte accompli sans fondement par suite d’une décision arbitraire issue d’un pur caprice. En quoi finalement ne peut-il dit être gratuit et libre ?
- il n’est pas gratuit, car il a un but et est réfléchi sur les moyens de l’atteindre : il naît d’une décision et Lafcadio agit sans se demander si son action est bonne ou mauvaise.
- il n’est pas libre non plus puisqu’il est déterminé par son désir de vouloir prouver sa liberté.


4- Le sentiment du libre arbitre


A- Quid de la responsabilité morale ?


Si le monde venait à penser qu’il ne détient aucun libre-arbitre,cela pose un problème majeur concernant la moralité que nous pouvons rattacher à nos actes. Car comment juger que nous agissons de façon morale ou pas, si nos comportements et nos choix ne sont en réalité que le reflet de nos déterminismes ? Sur quoi pouvons-nous nous reposer pour attribuer une valeur à nos actions si aucun libre arbitre n’intervient dans leur exécution ? Si on nie la liberté, à quoi peut servir la recherche de la vérité si ce qu'on pense n'est que le résultat de tous les déterminismes qui ont pesé sur nous. Toutes nos notions d'éloges et de blâmes, de punitions et de récompenses, reposent en effet sur le fait que nous tenons pour acquis la responsabilité de la personne humaine. Si la liberté personnelle est une illusion, toutes les propriétés ou les conséquences qui en découlent sont également illusoires, injustifiées et sans fondement. 


Pourtant, le comportement des individus et les institutions que les sociétés se sont donné reposent sur la certitude de cette conscience du libre arbitre de l'homme. Responsabilité! A quoi cela peut-il rimer si ce que chacun en pense est le résultat des conditionnements intellectuels et moraux qui l'ont affecté ? On devrait dans nos sociétés et dans nos institutions tout changer si l'homme était aussi irresponsable que l'animal. Devrait-on revenir aux procès faits aux animaux comme parfois au Moyen Age ou abolir les procès faits à l’homme ? Devrait-on parler de dressage plutôt que d’éducation, de dressage raté plutôt que de fautes et de responsabilité ? 


Pourtant des traits typiquement humains sont très difficilement contestables (conscience d’être, croyance, sens de l’en deçà et de l’au-delà, principe de causalité et de non contradiction etc.) transcendent l'animalité. La caractéristique de chacun de ces traits est justement d’échapper aux lois de la matière. De plus la science qui pousse si loin l'explication physico-chimique du psychisme, rend-elle compte de nos émotions, de nos fonctions de plaisir, de douleur, de tout ce qui relève de l'ordre de la sensibilité ? 


Rien ne sert de dire que les conditionnements, les pulsions qui affectent l'être humain sont plus subtiles, plus complexes, le déterminisme reste tout aussi réel et efficace si l'homme ne peut y échapper et si la liberté n'existe pas. Si nous ne sommes pas libres, nous ne sommes pas responsables et nous n’avons pas la capacité à rendre compte de nos choix, non par des déterminations pulsionnelles mais rationnelles. Peut-on être responsable d’une action que l’on a été déterminé à accomplir ? Cela semble exclu : car être responsable, c’est répondre de l’action et on en répond seulement si on l’a produite de sa propre initiative. 


A quoi peuvent bien servir les notions de bien et de mal si l'homme n'a pas un choix réel entre l'un ou l'autre et que ce qui peut être fait se fera de toute façon ? Si nous ne sommes pas libres, quel sens pour la loi morale, qui n’a de loi que le nom (ce n’est pas une loi au sens de loi physique) : une loi morale ne nécessite pas, mais fait appel à notre capacité à choisir entre le bien et le mal. Un animal ne se donne pas de lois morales ! Celui-ci n’agit que selon la force de ses instincts, c’est-à-dire par ses déterminismes biologiques, alors que l’homme peut lui agir par l’usage de la raison, et donc opérer des choix, se déterminer lui-même, ce qui est le propre de la liberté. 
Comment juger que nous agissons de façon morale ou pas, si nos comportements et nos choix ne sont en réalité que le reflet de nos déterminismes ? Sur quoi pouvons-nous nous reposer pour attribuer une valeur à nos actions si aucune liberté n’intervient dans leur exécution ? Il serait impossible que nous soyons tenus pour moralement responsables de nos actes si nous n’étions pas doués de liberté d’agir. Que faire aussi de la mauvaise conscience et du remords, ces sentiments bien réels, qui supposent que le déterminisme n’est pas vrai, puisque je me dis alors que j’aurais dû (et donc pu) agir autrement que je ne l’ai fait ?


B- Quid de la responsabilité pénale ?


Si nous ne sommes pas responsables de nos actes, cela n’empêche pas toute condamnation, car il faut protéger la société. On voit bien malheureusement que «Si l’on a conçu des hommes libres, c’est à la seule fin qu’ils puissent être jugés et condamnés, afin qu’ils puissent devenir coupables» -le Crépuscule des idoles, Nietzsche. Mais à qui imputer une faute ? N’est-elle pas un des composants nécessaires de la liberté ? Par conséquent, si on enlève l’une, on enlève l’autre : “Si un homme est conduit, par les lois de la nature, à faire ce qu’il fait, nous ne pouvons ni l’en approuver ni le blâmer, pas plus que nous ne pouvons reprocher à une montre d’être en avance ou en retard” Camus, Réflexions sur la peine capitale.


Quand vient le temps de la réprobation et du châtiment, tout le monde fait une distinction entre l'adulte et le jeune enfant, entre l’homme sain d’esprit et le malade mental. Il serait évidemment absurde de prétendre que les jeunes enfants et les imbéciles sont responsables de leurs actes. Les libertaires traditionnels ont toujours soutenu que le libre arbitre n'apparaît que lorsqu'un enfant atteint l'âge de raison. Aucune personne dont le cerveau est resté fruste, a été endommagé ou souffre de problèmes neurologiques, ne saurait être tenue responsable de ses actions si son état la rend incapable de les comprendre ou de les contrôler. Il est insuffisant de dire que les uns savent ce qu’ils font et les autres pas ; encore faut-il qu'ils soient responsables de l'action et qu'ils aient pu ne pas la faire. Ceux qui n'arrivent pas à développer la capacité de penser rationnellement, ne peuvent pas faire preuve de libre arbitre. 


Nos institutions judiciaires font heureusement une distinction entre le comportement des uns et des autres. Mais hormis les premiers nous devrions être tous être égaux donc abolition de la justice et du droit, destruction des cours de justice, au chômage juges et avocats et construction accélérée d’asiles d’aliénés. Si le ridicule pouvait tuer, on voit l’hécatombe, si la liberté n’existe pas, quand dans un prétoire on entend avocats ou juges se gargariser avec des concepts de circonstances aggravantes, atténuantes, de préméditations, de folie. Dans certains cas, on reconnaît qu'un individu pouvait succomber à une pulsion (pour mille raisons possibles). Mais les autres alors? Si personne ne jouit de la liberté : même traitement pour tous. Extension du privilège de l’innocence et de l’irresponsabilité ! 


On peut poursuivre les fast-foods pour engraissement programmé et les fabricants de cigarettes pour cancer prévisible. Malheureusement pour les plaignants, les pseudos coupables sont également déterminés donc innocents. Évidemment juges et jury sont eux aussi programmés pour fixer la sentence. A quoi rime le terme culpabilité si nous ne sommes pas responsables de nos actes ? Jack l'Éventreur ou Mère Térésa étaient aussi déterminés l'un que l'autre, pas responsables de leur vie. Leur action découlait nécessairement de ce qu'ils étaient : une bonne petite fille et un méchant petit garçon. La seule différence, c’est que certains déterminismes sont plus utiles à la société que d'autres. Du moins la population est déterminée à apprécier davantage certains conditionnements.
Je vais maintenant appuyer ces opinions communes sur un contenu relevant plus explicitement de la philosophie.

 

5-Libre arbitre et déterminisme : un des plus vieux et plus controversé dilemme scientifique et philosophique.

Que la problématique du libre arbitre soit celle d’un débat sur l’origine du vouloir, c’est quelque chose qui probablement échappe à beaucoup et qui aurait notamment échappé aux grands philosophes grecs. Car le concept de libre arbitre est absent de la pensée grecque mais Sophocle, Socrate, Platon, sont les premiers à avoir posé le problème. Épictète utilise le mot αὐτεξούσιον (maîtrise de soi, traduit improprement par libre arbitre) : «De toutes les choses du monde, les unes dépendent de nous, les autres n'en dépendent pas». Cette distinction va être au fondement de l'éthique stoïcienne. La liberté, pour le stoïcien, consiste à accepter ce qui arrive tel que cela arrive. Dépendent de nous nos pensées, nos jugements ainsi que notre attitude face au monde. 
N'en dépendent pas, les lois de la nature et de la société. Le libre choix renvoie donc à la raison, c’est-à-dire, à notre faculté de réfléchir et de discerner, de comprendre plus précisément le monde, le cours des événements, «ce qui arrive». Il renvoie également à la volonté, qui elle aussi est une faculté de l’esprit, mais qui est plus du côté de l’action que de la réflexion. Il s’agit d’agir, de prendre des décisions, en connaissance de cause. Les stoïciens penchaient à établir une liberté psychologique et éthique. L’homme est défini par son pouvoir de préférence : celui du choix éclairé par la raison et il agit toujours de son plein gré. 


Aristote avance qu’il y a de la contingence dans la nature et elle n’est pas à prouver. Ce qui est nécessaire, ce sont les lois de la nature et dans la nature ce qui existe n’est pas général mais particulier. Le particulier est bien contingent : s’il est nécessaire que la pierre tombe selon la chute des corps, il ne l’est pas qu’elle tombe. Ainsi le célèbre exemple : “Il est nécessaire que demain, il y aura une bataille navale ou il n’y en aura pas” : ce qui est nécessaire, dit Aristote, c'est l'alternative (ou). L'une des solutions arrivera nécessairement, mais jusqu'à demain, l'une ou l'autre peut très bien advenir.


L'affirmation du libre arbitre par l’Église, comme on l’a vu, sera décisive et indiscutée pendant près de onze siècles, jusqu'au De libero Arbitrio d’Erasme (1524) auquel Luther répliquera par le De Servo Arbitrio (1526). Car la doctrine chrétienne est rappelée à ses propres contradictions : l'Église enseigne que, signe de la puissance divine, les humains disposent de leur libre arbitre (dont la principale manifestation est l'existence du mal) tout en recourant aux sermons et aux exhortations morales. Or ces actions de manipulation mentale visent justement à combattre le libre arbitre en encourageant des comportements, c'est-à-dire à établir une relation causale d'ordre psychologique, contraire au libre arbitre par lequel le sujet décide lui-même sans être aux ordres de son inconscient. 


Pour cette raison Jansenius suivi par Pascal va revenir à une stricte interprétation d'Augustin à l'encontre des Jésuites  : "le libre arbitre ne peut vouloir que le mal, la grâce doit être constante et irrésistible et nous déterminer de l'intérieur à vouloir le bien". Pour Luther et Calvin, l’homme est entre les mains de Dieu qui lui dicte sa conduite. Que dit Luther ? : “Que Dieu par sa propre liberté doive nous imposer la nécessité, c’est ce que la raison naturelle nous force d’avouer. La prescience et la toute-puissance divine sont dans une opposition diamétrale avec notre libre arbitre”.Avec Calvin et la double prédestination absolue des élus et des damnés, il y a encore moins de place pour le libre arbitre.


Descartes va s’accorder avec la philosophie grecque et en bon catholique, lui qui voulait tout remettre à plat, avance à coup d’évidences et reprend le point de vue de l’Église : “La liberté de notre volonté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons. Au reste, il est si évident que nous avons une volonté libre, qui peut donner son consentement ou ne pas le donner, quand bon lui semble, que cela peut être compté pour une de nos plus communes notions” -Principes de la Philosophie. Pour être libre, dit Descartes, il faut voir clair : mieux je connais ce que juge, plus je suis libre. Être libre, c’est choisir à la fois son action et les résultats prévisibles de celle-ci. En admettant qu’il y ait un plan complet de l'univers, il y a de la place dans ce plan pour les êtres humains de décider de leur propre destin. L’avenir n'est pas décidé jusqu'au moment où il devient le présent. 


Quant à la nécessité et la chance, les choix humains ne sont pas entre celles-ci. Le déterminisme ne s’oppose nullement à la liberté, du moins sa connaissance peut-elle mener à une libération de l'homme, à sa maîtrise sur les événements naturels. Si je sais que telle cause mène à tel effet, alors à moi de tout faire pour la produire ou la déjouer. Je décide donc en connaissance de cause. On peut répondre à Descartes ainsi qu’au sens commun que rien n’empêche que nous ayons ce sentiment, que le monde obéisse à la nécessité et que donc ce choix soit en réalité déterminé par des causes ou des mobiles dont nous n’avons pas conscience. A moins de dire avec lui que la conscience ne peut jamais nous tromper. 


Cette thèse n’est pas fondée, notamment à travers la théorie de l’inconscient. L’enjeu est fort : si on enlève de la liberté le caractère de rationalité, de délibération, alors on peut dire que n’importe quel être est libre. Un animal, un jeune enfant et même une pierre qui tombe, l’eau qui coule, sont libres. La véritable liberté au contraire s’applique à une action qui a un mobile. Elle doit être intentionnelle, projetée, décidée, on doit pouvoir en rendre compte de manière intelligible à soi-même comme à autrui. Il y a donc bien quelque chose qui détermine mon action, mais ce quelque chose n’est pas une pulsion, un désir, une force, le milieu social, les circonstances extérieures, c’est une raison, un motif. La liberté c’est donc la capacité de choix réfléchi, non nécessité par des penchants.
Les XVI° et XVII° siècles sont remplis de luttes religieuses et philosophiques entre ceux qui se sont préoccupés de ce problème, les déterministes extrêmes : La Mettrie (qui va se situer comme un mécaniste convaincu dans L'homme machine, D’Holbach, Diderot), les modérés et les partisans du libre arbitre. Pascal et surtout Fénelon défendent des théories déterministes, tandis que Bossuet penche plutôt vers l'idée du libre arbitre tout en cherchant à concilier les deux. C'est à la métaphysique spéculative que la religion cède le pas. Les systèmes les plus importants sont ceux de Spinoza, de Leibniz et de Kant.


Après avoir suivi un moment Descartes, Spinoza va devenir avec Hobbes, le premier philosophe moderne à nier l’existence du libre arbitre -Lettre à Schuller-. Spinoza est un déterministe intégral. Il n'admet à la volonté humaine aucune liberté de choix. La raison déterminante universelle et absolue de Spinoza est la nécessité rationnelle : “Les hommes donc, se trompent en ce qu'ils pensent être libres ; et cette opinion consiste uniquement pour eux à être conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. L'idée de leur liberté, c'est donc qu'ils ne connaissent aucune cause à leurs actions”. Plus loin : “Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent".


Selon lui, s'il est démontré que le libre arbitre est une conception erronée, il n’y a pas pour autant d’opposition insurmontable entre le déterminisme et la liberté : on peut parfaitement être à la fois libre et déterminé. Mais la liberté étant toujours proportionnelle à la complexité du déterminisme, pour pouvoir expliquer adéquatement le déterminisme des actes d'un être aussi complexe que l'être humain, il faut pouvoir s’expliquer soi-même et être ainsi capable de concevoir un déterminisme causal qui ne soit ni trop réducteur ni trop abstrait. Selon cette position philosophique, la liberté est en tous les cas «l'intelligence de la nécessité». Spinoza montre dans L’Éthique que nous ne faisons pas l’expérience du libre-arbitre : on prend seulement l’ignorance des causes pour une expérience de leur inexistence. Nous sommes réellement déterminés, mais nous croyons être libres, à cause de l’ignorance des causes qui nous déterminent.


On décèle bien ici le mécanisme de l’illusion : l’homme s’attribue un libre arbitre parce qu’il croit que le résultat de son action coïncide avec l’accomplissement de sa volonté : c’est à dire un résultat conforme à son désir dont il ignore la cause mais en réalité sa volonté ne fait qu’obéir à la volonté universelle de la nature. Le problème de la thèse de Spinoza, c’est que si elle prend bien acte du fait que, contrairement à ce que soutenait Descartes, la conscience n’est pas synonyme de connaissance, mais souvent d’illusion, elle ignore un des aspects de notre expérience de la liberté ; en l’occurrence, elle ne peut rendre compte de notre expérience morale. Spinoza est même le seul philosophe dont on peut affirmer sans se tromper que la morale est absolument étrangère à sa philosophie. Chez Spinoza, on ne trouve qu'une ontologie en effet, qui permet seule de dire comment vivre selon la nature, mais de le dire sans prescription aucune, sans norme. Elle semble même à terme à nier toute moralité ou à déclarer vaine la morale.


Un grand texte de Leibniz, issu de La Théodicée, montre non seulement que la contingence existe, que tout n'est pas strictement déterminé et que le déterminisme ne s’oppose pas à l'existence de la liberté. Ce qui est nécessaire, ce sont les lois de la nature. Intéressante solution, car elle permet d’affirmer que l’homme est libre, tout en n’opérant pas une coupure avec l’univers. La nature de l’univers permet à l’homme d’être libre. Le déterminisme n'a donc aucune raison de s'opposer à la liberté. Le fait que loin d'être l’antithèse de la liberté, il peut permettre une libération (il n’empêche pas que l’homme puisse agir sur lui). N'est-ce pas le présupposé de la psychanalyse ? Le fait de connaître les causes qui nous déterminent à faire ce que nous faisons est libérateur. Leibniz tout en étant partisan d'un déterminisme général de caractère moral, admet une certaine liberté intérieure de volonté et d'action. 


Pour reprendre l'expression célèbre, "Il peut y avoir influence sans nécessité". La notion d'influence est plus large que celle de déterminisme, au sens où, par exemple, plutôt que de dire que nous sommes déterminés par notre passé, par notre éducation, notre milieu social, etc., pourquoi ne pas dire que nous sommes influencés? C’est-à-dire que ces causes ne sont pas nécessitantes, mais qu'elles influent seulement sur nous. On peut toujours trouver une personne qui a été violée dans son enfance, battue par ses parents ou a eu des parents alcooliques, qui pour autant ne reproduit pas ces schémas. On peut donc dire que nous sommes seulement influencés mais pas nécessités. De même la sociologie : quand Durkheim cherche quelles sont les causes sociales et réelles du suicide, il cherche surtout par là un moyen de lutter contre ce phénomène social. De quelles causes nous parle Durkheim, quand il nous parle de causes sociales déterminantes ? Influent-elles ou nécessitent-elles ? Il semble qu'elles influent : d'abord, il y a concomitance (ce qu'on sait, c'est que tel effet a telle cause) ensuite, généralité statistique : si tous les cas ne tombent pas sous la règle, alors il n'y a pas nécessité.


Quant à Kant, il est le premier à établir définitivement le principe de la causalité générale déterminante. Il admet cependant une liberté relative dans le domaine psychique. Dans La Critique de la Raison Pure, il affirme que “La liberté de la volonté, l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu sont des objets sur lesquels la raison ne peut atteindre aucun savoir mais seulement des raisonnements trompeurs et sans fondement”.Il est franchement déterministe quand il écrit : “On peut accorder que, s’il nous était possible de pénétrer l’âme d’un homme, telle qu’elle se révèle par ses actes aussi bien internes  qu’externes, assez profondément  pour  connaître  tous  les mobiles qui peuvent la déterminer et de tenir compte en même temps de toutes les occasions extérieures qui peuvent agir sur elle, nous pourrions calculer la conduite future de cet homme avec autant de certitude qu’une éclipse de soleil ou de lune”. Quelques années plus tard, son ouvrage -Idées pour une Histoire Universelle- commence par ces mots :“Quelque notion que l’on puisse se faire de la liberté du vouloir au point de vue de la métaphysique, il est cependant hors de doute que les actions humaines sont, aussi bien que tous les autres phénomènes de la nature, déterminées par des lois naturelles générales”.


Le problème majeur de Kant, c’est la morale. Pour lui, il n’y a pas de morale sans responsabilité, pas de responsabilité sans libre arbitre. Par conséquent il affirmera que puisque la raison ne peut faire la preuve de l’existence de la liberté, celle du vouloir doit être postulée. Comme la liberté du vouloir ne peut être prouvée, dans Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs, il va nous expliquer comment on peut postuler l’existence du libre arbitre et comment il fait de l’homme une remarquable exception. L’homme appartient à deux mondes : au monde sensible et au monde intelligible. Il exerce donc ses facultés de deux façons. En tant qu'appartenant au monde sensible, il est soumis aux lois de la nature. Il est conditionné (comme animal) par ses désirs et son instinct. Il réagit alors aux motifs extérieurs selon sa propre sensibilité, ses désirs, ses sentiments et du fait de ce conditionnement, il n'est donc pas libre. 


D’un autre côté, l'homme à cette particularité unique dans le monde animal d'appartenir aussi au monde de la raison, au monde intelligible. Cette appartenance suppose qu'il soit soumis à d'autres lois que celles du monde sensible : lois fondées uniquement sur la raison. C’est son appartenance au monde intelligible qui lui fait postuler l’existence d’un libre vouloir. Qu’est-ce qu’une volonté libre ? C’est une volonté qui est à elle-même sa propre loi, une autonomie qui obéit à ce principe : «N’agis jamais suivant d'autres maximes que celles qui puissent être érigées en loi universelle». On retrouve là, dit-il, l'impératif catégorique et le principe de moralité : «Une volonté libre et une volonté soumise à des lois morales sont une seule et même chose». Applique, dit-il, la devise des Lumières : «sapere aude», aie le courage de te servir de ton propre entendement, c'est-à-dire, de sortir de l’état de minorité, (celui de l’enfant qui n’est pas libre) pour conquérir cette liberté.


Aux XVIII° et XIX° siècles, nous avons quelques tentatives spéculatives de compléter et de préciser la philosophie de Kant. Les systèmes métaphysiques de Schelling, d’Holbach et de Schopenhauer qui, tout en étant déterministes par rapport à la causalité universelle, admettent une certaine liberté intérieure conditionnelle. Plus intéressante est la conception de Fichte qui, le premier fixe l'attention sur la force créatrice de l'homme et prépare le terrain à l'idée d'une causalité psychique spécifique. C'est pour cette raison qu'il penche vers la possibilité du libre arbitre. Des idées analogues sont développées par le philosophe français Maine de Biran.


Quelques notions élémentaires ont été très clairement exposées par Schopenhauer dans son -Essai sur le libre arbitre,1841. Si je me dis “Je veux tendre ma main à droite” et si aucun obstacle physique ne s’y oppose, j’ai conscience que “Je peux ce que je veux. Si je veux tendre la main à gauche, c’est la même chose. Dans les deux cas j’ai conscience que je peux agir selon ma volonté”. D’où une première sensation de liberté pour celui que Schopenhauer qualifie d’esprit naïf. Maintenant, décomposons simplement l’ensemble de ma démarche. A la suite d’un motif extérieur : tenter une démonstration, j’ai ressenti le désir de tendre ma main. J’avais deux désirs contradictoires, la tendre à droite ou la tendre à gauche mais à un moment donné, j’ai pris la résolution de la tendre d’un côté et pas de l’autre et aussitôt je l’ai tendue. Ma volonté a choisi la droite. Pourquoi l’a-t-elle choisie ? C’est toute la question du libre arbitre. 


C’est là que l’esprit naïf dira : “Regardez si je veux tendre ma main à gauche, je la tends à gauche, si je veux la tendre à droite je la tends à droite. Cela dépend de mon bon vouloir. Vous voyez bien que je suis libre” et bien entendu de cette évidence, il déduira l’existence du libre arbitre. Un tel témoignage parait juste ; seulement il présuppose la liberté de la volonté, et admet implicitement que la décision est déjà prise : la liberté de la décision elle-même ne peut donc nullement être établie par cette affirmation. Car il n'y est fait aucune mention de la dépendance ou de l'indépendance de la volonté au moment où elle se produit, mais seulement des conséquences de cet acte une fois qu'il est accompli ou plus exactement de la nécessité de sa réalisation. C'est le sentiment intime qui est à la racine de ce témoignage qui seul fait considérer à l'homme naïf victime d’une illusion que le libre arbitre est un fait d'une certitude immédiate et en conséquence il le proclame comme une vérité indubitable.


D’autres philosophes matérialistes au XX° siècle sont eux aussi convaincus de l’inexistence du libre arbitre et le considèrent comme une illusion. Ils apportent de multiples raisons pour justifier cette position. Selon ces sceptiques, tout ce qui est présent et avenir dépend uniquement du passé. Nos actions sont d’inévitables conséquences d’événements qui mènent plus ou moins directement à ces actions. Nous ne pourrions donc effectuer de choix réellement libres. Ils prétendent que le comportement humain est déterminé par des causes matérielles. Cette position philosophique, à son apogée au XVIII° siècle s'est vue réactualisée notamment dans la librairie populaire scientifique ou les articles de magazine. L’être humain n'est qu'un agglomérat de neurones, de cellules, de molécules qui ne sont que des composés physico-chimiques. Alors est-il si évident que nous ayons un contrôle sur nos pensées et nos émotions ? 


La plupart de nos actions ne sont-elles pas en réalité des réactions mécaniques qui répondent à autant de facteurs intérieurs : émotions, préjugés et extérieurs : les circonstances que nous ne contrôlons pas ? Certes, nous sommes à l’origine de nos choix, mais avons-nous choisi ce que nous sommes ? Pour que nos actions soient vraiment les nôtres, il faudrait que nous puissions nous choisir nous-mêmes. Peut-on revendiquer un choix absolu de soi-même ? Il faudrait alors avoir conscience d’avoir délibérément choisi sa naissance. Peut-être peut-on plus raisonnablement revendiquer une acceptation de soi-même (à partir d’un passé qu’on n’a pas choisi), ou un refus (le suicide en étant l’aboutissement). Cela nous amène à la question des conditions objectives du libre arbitre (celle des possibilités objectives du choix). Du point de vue d’un observateur, chacun de nos actes s’explique par des causes extérieures et s’insère dans une continuité. 


La science moderne en est l’expression la plus aboutie, elle est globalement déterministe, c’est-à-dire qu’elle envisage l’état présent de l’univers comme étant l’effet nécessaire de celui qui l'a précédé et cela en vertu des lois de la nature. L’idée de libre arbitre semble contraire à la loi naturelle. Comment pourrait-on nier qu’objectivement le présent est l’effet nécessaire du passé et que nos futurs possibles sont déterminés par le présent ? Mais cela rend-il absolument illusoire la nécessité face à laquelle nous nous trouvons subjectivement de décider et d’agir ? De ce point de vue les obstacles à notre liberté n’existent que par rapport à elle et la question n’est pas être ou ne pas être libres, mais comment se libérer ? La liberté deviendrait alors une pratique exigeante, le libre arbitre une difficile conquête. Puisque nous sommes tous des sujets, n’est-ce pas le point de vue objectif qui est abstrait ?


Pour Nietzsche, Marx et Freud le libre arbitre est une fiction:Nietzsche, comme Spinoza, considère que la notion de volonté libre à l'origine de nos actes, repose sur une illusion et que cette illusion tient à notre ignorance : “Nous avons faim, nous ne pensons pas à l'origine que l'organisme veut être entretenu ; cette sensation paraît se faire sentir sans raison ni but. Ainsi la croyance à la liberté du vouloir est une erreur originelle de tout être organisé”.


La pensée de Marx souvent liée au déterminisme refuse l'hypothèse du libre arbitre. La vie des hommes et la constitution de leurs institutions politiques ne peuvent pas être expliquées par les interventions du libre arbitre, mais bien par une détermination naturelle à agir qui est tout aussi stricte que celle qui commande le mouvement des objets inertes étudiés par la physique.


Dans ce contexte, le matérialisme freudien est un cas à part. Freud écrit dans son Introduction à la psychanalyse : “La croyance profondément enracinée à la liberté et à la spontanéité psychiques est tout à fait antiscientifique et doit s'effacer devant la revendication d'un déterminisme psychique”. Non seulement il soutient que ce qui cause nos actions est matériel, et que ce n’est pas notre volonté, mais des pulsions inconscientes. A mon sens, c'est ce dernier élément, non le premier, qui conduit le freudisme à nier la liberté.


Au contraire la nécessité est absolument exclue de la pensée de Jean-Paul Sartre. En refusant tout déterminisme, qu’il soit qualifié d’inconscient ou résultant d’un positionnement social, il s’oppose à la fois à Freud et à Marx. Avec l’existentialisme, il entend avant tout rendre à l’homme sa liberté. L’être humain est pour lui fonction des projets qui lui appartiennent selon leur réalisation ou non. Autrement dit, l’homme est la somme de ses actes, étant entendu qu’il dispose d’une liberté absolue pour les accomplir. Il n’y aurait donc aucune interférence dans ses accomplissements, si ce n’est la liberté d’autrui, ni ordre, ni commandement, sauf ceux produits par l’homme en cherchant à dicter le comportement de chacun. A l’instar de Camus, Sartre conclut que le monde est silencieux et que ce silence laisse à l’homme le soin de se prendre en charge. Mais cette charge vaut responsabilité, c’est le prix à payer pour la liberté, tout comme l’angoisse qui est corrélée au libre-arbitre. 


En effet l’individu est responsable de ce qu’il devient, mais cette perspective effraie. Rien ne nous informe sur les choix à faire alors que c’est bien le choix pour Sartre, qui guide une existence libre. Même si le conseil est possible, est-il pour autant plus adéquat qu’une décision prise isolément ? Ainsi le sentiment d’angoisse s’alimente de la crainte de l’avenir, car on ne peut rien en attendre, étant donné d’après la pensée existentialiste, que nulle nécessité n’a une quelconque influence sur ce qui adviendra. Sartre n'exprime jamais le mot libre arbitre, mais la liberté est au cœur de sa pensée. Pour lui l’homme n’est pas déterminé mais se détermine par libre volition et avant tout par ses actes. Il se fait lui-même : “Adam a choisi de prendre la pomme, mais n’a pas choisi d’être Adam. Pour nous, en effet, c’est au niveau du choix d’Adam par lui-même, c’est-à-dire de la détermination de l’essence par l’existence que se place le problème de la liberté… l’existence précède l’essence et c’est la condition même de la liberté”. Il écrira aussi : “Avant d’avoir mangé la pomme, Adam n’est pas Adam”. A quoi il est très facile de rétorquer que c’est précisément parce qu’il est Adam qu’il a mangé la pomme. Si cela avait été Vincent, François ou un autre, il ne l’aurait peut-être pas mangée.


Que dit aujourd’hui à ce sujet la science et notamment la génétique du comportement ?


Le message de la science selon Jean Rostand : “C'est dans l'écorce du cerveau que se produisent les réactions chimiques et les transformations d'énergie qui donnent lieu à ce que nous appelons la conscience et dont nous ne savons rien, sinon qu'elle est indissolublement liée à ces réactions et à ces transformations. C'est là que se préparent les plus hautes manifestations de l'esprit : le génie de Newton, les angoisses de Pascal. Il semble bien que cette pensée ait pour seule fonction d’assister au jeu de la machine qu’elle a l’illusion de commander. L’acte dit volontaire se réduit à une résultante de réflexes et sans doute l'homme qui réfléchit, qui calcule, qui délibère n'est-il pas moins assujetti dans la dernière de ses démarches que la chenille qui rampe vers la lumière ou que le chien qui répond par un flux de salive au coup de sifflet de l'expérimentateur. Les plus graves décisions morales, où l'homme attache tant de prix, apparaissent alors comme de purs effets des stimulations sociales et quand il croit se soumettre librement aux impératifs sacrés qu'il croit s'être choisi, il n'est qu'un automate qui s'agite conformément aux intérêts du groupe dont il fait partie. Le libre arbitre n'est donc qu'une illusion, nous sommes tous déterminés à agir de telle ou telle façon, jouets de forces qui s'agitent en nous sans nous, jouets de réflexes conditionnés (le chien qui salive au son de la cloche) ou de tropismes (la chenille qui rampe vers la lumière) et irresponsables”.  Heureusement Rostand met un petit bémol dans ce message de la science : “Il semble bien…”.


En France la population carcérale au 1er février 2012 comportait 3,6 % de femmes et 96,4 % d’hommes. Ces chiffres peuvent témoigner de deux choses : soit que le fait de porter des robes rend les humains moins agressifs ! Soit qu’il y a quelque part dans le chromosome Y des gènes qui sont des facteurs déterminants d’un comportement violent. Devant ces chiffres, on peut se poser la question de savoir comment on réagirait si on faisait partie d’un jury d’assises pour décider de la culpabilité d’un criminel. Voter sa culpabilité, ne serait-ce pas le condamner parce qu’il est porteur du chromosome Y ? Jean Rostand a écrit dans Mémoires d’un biologiste : “Condamner un homme n’est jamais que condamner des chromosomes et des circonstances”. Bien évidemment tous les porteurs du chromosome Y ne sont pas des assassins. Néanmoins, ces chiffres nous invitent à nous poser le problème de la liberté du vouloir. 


Personne ne peut plus contester que les gènes jouent un rôle dans la détermination de nos comportements sociaux, comme ils jouent un rôle dans tous nos comportements cognitifs et finalement dans ce qui constitue notre caractère et notre personnalité tels que les a définis Schopenhauer. Mais l’environnement (milieu social, éducation etc.), joue un rôle tout aussi important. Alors, bien souvent on demande qu’elle est la part des gènes, qu’elle est la part de l’environnement ? Pour les chercheurs contemporains c’est une question dépourvue de sens. Il est maintenant parfaitement établi que l’environnement modifie l’expression des gènes (dans le sens d’une amplification ou d’une minoration). De même que les gènes sont capables d’atténuer ou d’amplifier les effets de l’environnement. Le grand généticien Richard Lewontin a écrit dans un ouvrage très récent : “Le comportement d’un individu est à la fois 100% génétique et 100% environnemental”. Ce qui veut clairement dire que pour lui, le comportement d’un individu est totalement conditionné par ses gènes et par son environnement. C’est ce qu’observent de façon de plus en plus concordante actuellement les scientifiques des diverses disciplines qui s’intéressent à ce problème, depuis les psychologues jusqu’aux psychos généticiens, en passant par les psychos biologistes, etc.


6-Libre arbitre et déterminisme : deux concepts mutuellement exclusifs ?


Y a-t-il antinomie entre le libre arbitre (s’il existe) et le déterminisme ?  Si oui, il faut choisir entre l'un ou l'autre. Sinon, il faut concéder que le déterminisme n'empêche pas la liberté d'action. quelle mesure cette liberté pourrait-elle être admise ? 


“Il est impossible de prouver la justesse de la thèse déterministe ou indéterministe, car il faudrait que la science soit complète ou impossible pour que la question fût tranchée” Ernst MACH, La Connaissance et l'Erreur.


Faut-il nécessairement opposer ces deux points de vue ? Objectivement le présent est l’effet nécessaire du passé, mais cela rend-il absolument illusoire la nécessité face à laquelle nous nous trouvons subjectivement de décider et d’agir ? Doit-on tenir notre expérience (celle de nos hésitations, de nos choix, de notre responsabilité) comme purement illusoire? De ce point de vue les obstacles à notre liberté n’existent que par rapport à elle et la question n’est pas être ou ne pas être libres, mais comment se libérer ? La liberté deviendrait alors une pratique exigeante, le libre arbitre une difficile conquête.


N’est-il pas nécessaire de tenir pour vrai les deux points de vue étant à la fois libres (subjectivement dans la mesure où nous y travaillons) et non libres (objectivement dans la mesure où nous sommes une partie de la nature) ? Les éléments principaux pour la solution éventuelle de ce problème sont fournis par la psychologie qui cherche à établir le principe d'une causalité psychique spécifique introduisant, dans la chaîne des causes générales, un facteur sui generis indépendant. N'ayant pas encore abouti à un résultat décisif, l'analyse psychologique du problème laisse toujours le champ libre à d'autres sciences de résoudre la question. Peut-on avoir une preuve de l'existence de ce pouvoir original que l'être humain aurait sur son action ? Il conviendrait plutôt de parler d’expérience de la liberté. Même ceux qui nient la valeur de cette expérience reconnaissent éprouver ce pouvoir. 


Le comportement de chaque individu est un aveu du bien-fondé de cette expérience. Toutes les institutions qui sont à la base de la société sont fondées sur la reconnaissance de cette réalité. Ainsi dans les sciences économiques et sociales, nous avons aujourd'hui la conception marxiste qui est celle d'un déterminisme économique et social presque absolu, basé sur le monisme et le matérialisme philosophiques. En même temps d'autres théories socialistes et surtout la conception anarchiste, qui étant beaucoup plus d'accord avec les données de la psychologie et de la sociologie modernes, se basent sur le principe pluraliste et synthétique. S’il reste encore un domaine qui s'en occupe toujours de façon générale, c'est la psychologie contemporaine qui n'a plus rien de métaphysique, étant entièrement basée sur l'expérience et l'analyse. Les résultats de la conciliation du déterminisme extrême avec le libre arbitre illimité ne sont pas encore très concluants et la controverse entre la conception déterministe et celle du libre arbitre encore loin d'être résolue. Ce qui importe, c'est que la véritable essence du problème est aujourd'hui clairement établie. 


La question peut être formulée comme suit : tout en reconnaissant la présence d'une causalité universelle à laquelle l'homme ne pourrait pas se soustraire entièrement, sa volonté et son action peuvent-elles jouir d'une certaine liberté de choix ? Si oui, en quel sens et dans quelle mesure cette liberté pourrait elle être admise ? Avec tant de possibilités on peut s'attendre à ce qu'un débat sur ce sujet devienne rapidement un labyrinthe de malentendus et d'embrouille sémantique. Comme l'histoire de la philosophie en porte témoignage on aurait raison sur cette question de la traiter à différents niveaux d'analyse. On peut voir en effet les choses familières sous un aspect non familier (je vous renvoie à la leçon de Gilles Troger sur la table) : une chaise par exemple, objet banal considérée au niveau fonctionnel, a été fabriquée pour s'asseoir, mais peut aussi servir d'escabeau, poser ses vêtements, alimenter un feu si elle est vieille et en bois, maintenir une porte ouverte ou fermée etc.


a- Au niveau physique ce sont des milliards de quarks et de leptons dansant dans un océan de vide sur une chorégraphie des lois de la physique quantique.
b- Au niveau chimique, c’est un agglomérat de molécules qui en constitue le matériau : bois, métal ou plastique lui donnant certaines propriétés.
c- Au niveau spirituel, c’est un objet sans âme auquel on n’est pas trop attaché mais qui témoigne de l’intelligence et du savoir-faire de l’homme
d- Au niveau psychologique, une chaise est un objet culturel chargé d’émotions qui a une histoire, une mémoire et peut nous rappeler des souvenirs heureux ou malheureux, par exemple à quelqu’un sa mère assise et peut déclencher un traumatisme dû au rappel de la séparation.


Nous constatons que ces niveaux différents d'analyse peuvent permettre de parler d’une chaise d’une façon que nous n'aurions jamais imaginée autrement.
Que peut-on faire de cette analyse sur la question du libre arbitre et du déterminisme ?


a- Au niveau social
On pourrait envisager le dilemme entre le libre arbitre et le déterminisme d'être la question du rôle de l'individu dans la société : est-il déterminé que je doive travailler dans cette usine, parce que mon père et le père de mon père y ont travaillé ou puis-je aller à Paris faire du théâtre et essayer de devenir une star ? A ce niveau la force du déterminisme serait la tradition et celle du libre arbitre la possibilité d'une transgression de cette tradition. Cet exemple pose certaines questions : l'individu reconnaît-il que plusieurs options existent ? Que des pénalités sociales sont imposées par la transgression des traditions ? Que la volonté de l'individu est forte etc. Les réponses à ces questions détermineront si l'individu exerce ou non son libre arbitre contre le déterminisme des traditions et des lois de la société.
b- Au niveau historique
Certains interprètent la question du libre arbitre contre le déterminisme comme ce qui est connu sous le nom de la théorie des Grands Hommes contre la théorie des Forces Historiques. La théorie des Grands Hommes déclare que les événements majeurs de l'histoire résultent des actions de certains grands hommes comme Alexandre ou Napoléon. Le partisan de la théorie des Forces Historiques dira que ce sont ces forces qui déterminent les événements majeurs de l'histoire et que les Grands Hommes sont juste arrivés au bon endroit au bon moment.
c- Au niveau psychologique
Plusieurs philosophes interprètent la question du libre arbitre et du déterminisme au niveau psychologique, parce que c'est le plus proche de notre expérience quotidienne. Parfois nous estimons que nous agissons librement et parfois nous considérons que quelque chose nous contraint. Qu'est-ce qui provoque cette différence ? Une bonne façon de répondre à cette question est en termes de désirs. Nous désirons certaines choses : argent, nourriture, sexe, etc. Quand il y a désir, nous agissons pour le satisfaire. Nous pouvons aussi avoir des désirs plus complexes que ces désirs de base. Quand nous avons satisfait un désir qui surpasse nos désirs ordinaires, alors nous estimons que nous avons agi librement. Au contraire si ce désir est contrecarré par les circonstances : nous voulons par exemple arrêter de fumer, mais nous sommes trop ad dictes et nous n'avons pas assez de volonté. Nous estimons alors que nous sommes incapables d'exercer notre libre arbitre. Cette interprétation du libre arbitre est compatible avec le déterminisme. Il peut être complètement déterminé par quelques circonstances neurologiques que nos désirs soient satisfaits, mais nous nous sentons toujours libres. Une autre utilisation de cette interprétation est dans la question de l'éthique. Nous sommes plus enclins à tenir les gens responsables d'actions exécutées de leur plein gré que pour les actions qui semblent avoir été contraintes.
d- Au niveau théologique
On a vu que ce dilemme était un niveau populaire d'analyse pendant la Réforme protestante en Europe au XVI° siècle : Dieu est omniscient, donc il connaît l'avenir et ce que nous ferons. Comment alors pouvons-nous être libres s'il sait déjà ce qui nous arrivera ? D'autre part, si Dieu nous a donné le libre arbitre, comment peut-il être omniscient ? C'est un problème paradoxal si on suppose que nos choix dans cette vie mèneront à notre salut ou à la damnation dans l’au-delà. Cette question a à voir aussi avec le problème du mal : comment un Dieu si bon peut-il permettre au mal d'exister ? D'autre part, comment pourrions-nous choisir le salut si nous ne pouvons pas choisir le bien ou le mal ? La position de la prédestination est que tout est vraiment déterminé par Dieu et la question de celui qui sera sauvé et de celui qui sera damné est déjà réglée. Dieu a donné le libre arbitre aux hommes, mais il sait toujours ce que nous choisirons. Si cela ressemble à un paradoxe, appelons-le seulement un mystère et prions !
e- Au niveau physique
La découverte des lois précises de physique, commençant aux XVII° et XVIII° siècles, a provoqué une nouvelle sorte de déterminisme : le déterminisme physique. Selon cet argument, le monde entier est fait de particules et chacune de ces particules suit une trajectoire qui est déterminée par les forces qui agissent sur elles. En mettant toutes ces particules ensemble, on obtient un mécanisme d'horloge, qui obéit à un dessein prédéterminé sans possibilité d’erreur. De plus en plus de gens croient que le cerveau humain n'est rien de plus qu'un système physique complexe soumis à ces lois déterminées. Selon ce point de vue il n'y a aucune place pour la liberté et le sentiment d'acte libre est seulement une illusion.

Deux problèmes sont soulevés par cette opinion :
Le premier surgit parce que la physique moderne nous dit que le comportement des particules au niveau quantique n'est pas déterminé, mais dépend de probabilités. Quelques savants ont poussé un soupir de soulagement quand Heisenberg a découvert les relations d'incertitude et la loi d'indétermination en ce qui concerne l'atome. Désormais on pouvait croire au libre arbitre.On suppose que ce qui semble être des probabilités dans la physique quantique doit être des variables que nous ne connaissons pas encore et que pour cela les choses ne peuvent pas être certaines. Comment interpréter les probabilités de la mécanique quantique reste une question ouverte ?
La deuxième objection, c’est qu’on peut nier que le cerveau soit simplement un système physique semblable à un ordinateur. Cette approche, qui est appelée vitalisme, affirme qu'il doit y avoir un certain composant non mécaniste aux travaux de l’esprit. Ceci pourrait être un composant spirituel, une force indéterminée, qui ne pourraient pas être décrits. Un vitaliste soutient que les lois connues de la physique ne peuvent jamais produire la prise de conscience de soi-même, alors il doit y avoir autre chose. On ne sait pas ce que cette autre chose pourrait être, car on ne connaît rien d'une force qui pourrait influencer les décisions humaines indépendantes de la causalité physique, mais cela ne signifie pas qu’elle ne puisse pas exister.

Il est difficile d’admettre que le libre arbitre ne soit pas causé par cette force. Kant l'a exprimé en disant que la causalité nécessaire est “un principe régulateur de la compréhension”. Pour conclure le libre arbitre ne peut exister que dans un univers déterminé. Pour l’exercer nos actions spécifiques doivent avoir un effet sur les événements et elles ne peuvent l’avoir que s’il y a déterminisme. Dans un univers indéterminé aucune de nos actions n’aura le résultat escompté.
f- Au niveau moral
Actuellement, le débat sur le libre arbitre, le déterminisme et la responsabilité morale opposent deux thèses principales : la thèse selon laquelle le déterminisme est compatible avec la liberté humaine et son contraire. La plupart des matérialistes sont compatibilistes : (Spinoza, Kant, Leibniz, Hobbes, Hume) ; ils pensent que la liberté est compatible avec le déterminisme. Du moins, ils pensent que leur position est compatible avec une certaine notion de liberté. Nous sommes libres si nos volontés causent nos actions et cela même si nous n’avons pas pu avoir d'autres volontés que celles que nous avons. L'ouvrage récent de Joëlle Proust -La Nature de la Volonté- contient une discussion éclairante sur cette question. Elle soutient que le matérialisme est incompatible avec certaines notions philosophiques de liberté, mais qu’il est compatible avec une notion importante de liberté qui est celle du sens commun (politique et psychologique).
Les incomptabilistes sont les déterministes qui pensent que la liberté n'existe pas si le déterminisme est vrai (Descartes) et alors les promesses, les contrats, les conseils, les exhortations, les interdictions, les menaces, les encouragements perdent leur sens et les libertariens (Sartre, Benjamin Constant) qui eux aussi nient le déterminisme, mais pensent que l’homme est absolument libre. En vertu du principe de crédulité, on doit se fier aux intuitions les plus fortes. Pour renoncer à croire que les choses sont comme elles semblent être, il faut y être obligé par une intuition contraire et plus forte. Donc pour renoncer aux intuitions incompatibilistes, il faut avoir une raison impérieuse de le faire. En l'absence d'une telle raison, on doit reconnaître que le libre arbitre est incompatible avec le déterminisme. Ainsi l'être véritablement libre est celui qui existe par lui-même et pour lui-même, sans avoir besoin du regard de l'autre, il s'exprime par des actes et des choix. L’opinion des philosophes quant à cette question est d’ailleurs toujours liée à la description matérialiste ou idéaliste qu’ils font de l’univers. Les idéalistes disposent du libre arbitre, le cours naturel des choses n'étant soumis à aucune loi, à aucune causalité alors que les matérialistes professent un déterminisme absolu.


7- Conclusion


Les connaissances actuelles donnent absolument raison aux géniales intuitions de Spinoza qui remontent à plus de trois cents ans. Einstein a dit : «Je ne crois pas, au sens philosophique du terme, à la liberté de l'homme. Chacun agit non seulement sous une contrainte extérieure, mais aussi d'après une nécessité intérieure».


Alors pourquoi nous attacher à croire à quelque chose de moins en moins crédible ? Qu’a-t-on à gagner à s’illusionner plutôt qu’à être lucide ? A rester aliéné plutôt qu’à essayer de se libérer ? Le déterminisme universel régit la destinée humaine aussi rigoureusement que la rotation de la terre ou les mouvements de la mer. L'homme n'est pas maître de ses décisions, celles-ci étant la résultante de ses pensées conditionnées par le fonctionnement de son cerveau régi comme toute matière par les lois de l'univers et l'enchaînement nécessaire des causes et des effets. N'étant pas maître de ses décisions, il n'est pas non plus maître de ses actions. On ne pourra jamais le prouver scientifiquement et beaucoup continueront à le nier. Seule ici la raison peut nous en convaincre. Dans un monde où la matière inanimée est régie par des lois immuables, est-il rationnel de croire que la matière animée -animal ou homme- ne soit pas soumise aux mêmes lois, régie par le même déterminisme ? On voit bien que derrière ce débat se profilent la religion et la morale. La religion je n’en parlerai pas, mais la morale? Qu’a-t-on à gagner à chercher à tout prix à la fonder sur une illusion ? Dans la nature, rien n’est bien, rien n’est mal. 


Faut-il dire que la morale n’est qu’une illusion et que si elle s’est perpétuée, ou si elle est présente chez tous les hommes, c’est parce qu’elle est socialement utile ? soit c’est la sélection naturelle et alors toujours les lois naturelles qui en sont à l’origine, soit la société, qui en a besoin et l’a donc perpétué en l’homme par habitude ; et alors, toujours pas de liberté.”  Nietzsche -La généalogie de la morale-. La morale n’est donc qu’une invention de l’homme et une nécessité de la vie en société. C’est aussi sans doute l’expression de notre désir. Lequel d’entre nous désirerait avoir pour ami ou pour frère un méchant, un lâche, un menteur, un voleur ou un assassin ? Un athée ou un agnostique n’a aucunement besoin de croire au libre arbitre pour se savoir responsable de ses actes. A l’évidence, ce n’est pas mon voisin qui est responsable de ce que je fais. Quant à la culpabilité, elle se juge par rapport aux règles morales qu’on s’est choisi, à celles de son milieu et in fine, aux lois de son pays. Le libre arbitre qui reste un travail de la pensée pour trouver en soi et viser chez les autres, cette possibilité de la liberté en dépit des résistances, n’a rien à voir là-dedans. Pourtant entre les gènes et l’environnement : ce qui constitue notre caractère (c'est-à-dire la source de notre volition), il existe une succession de relations de causalité que l’on arrive à mieux comprendre. Ces relations de causalité aboutissent à un résultat imprévisible. C’est ce qui se passe avec les systèmes dynamiques instables qui génèrent le hasard dans le cadre de ce que l’on appelle le chaos déterministe inventé par Henri Poincaré : deux conditions initiales très proches peuvent avoir des évolutions complètement différentes. L’évolution du système devient alors imprévisible car une petite erreur de mesure ou un arrondi à la quinzième décimale conduisent à des résultats complètement faux au bout d'un certain temps. Nous sommes complètement déterminés, mais le résultat en termes de caractère individuel est imprévisible. C’est probablement cette imprévisibilité de la relation entre nos gènes et notre caractère qui fait de chacun de nous un être unique et pourrait nous laisser à penser qu’il nous reste une part de liberté.

Alors à l’issue de ces analyses, on s’aperçoit que si le sentiment du libre arbitre ne permet pas de fournir les preuves de son existence, et s’il est du domaine de l’illusion, on doit néanmoins postuler d’emblée une réponse urgente -oui, nous disposons d’un libre arbitre‐ sous peine de nous rendre la vie en commun impossible. Le prix Nobel de littérature de 1978 Isaac Bashevis Singer a écrit : «Nous devons croire au libre arbitre, nous n’avons pas le choix». Notre capacité à concevoir le passé et l'avenir, est à l'origine des concepts de temps et de libre-arbitre. L'animal est étranger à ces deux notions mais l'homme en a besoin pour se construire. Elles s'aboliront d'elles-mêmes lorsque l'humanité aura atteint sa perfection. L'humain accompli vivra alors dans l'immédiat. Comme le préconisait Spinoza, il accueillera avec amour ce qui lui arrive, sans attente ni regret, sans remords ni illusion.

Mais Dieu n'est-il pas le Maître de toutes choses?


La Bible nous enseigne que Dieu est tout-puissant et que personne ne peut limiter son pouvoir (Job 37:23 ; Isaïe 40:26). Cependant, il n’utilise pas sa puissance pour tout maîtriser. Par exemple, la Bible dit que Dieu s’est « reten[u] d’intervenir » contre l’empire de Babylone, un ennemi de son peuple (Isaïe 42:14Bible en français courant). Pareillement, il choisit pour l’instant de tolérer ceux qui utilisent leur libre arbitre pour faire du mal aux autres. Mais Dieu ne les laissera pas faire indéfiniment (Psaume 37:10, 11). Les Politiques qui se font élire sur un Programme et qui ne respectent pas leurs engagements seront contraints à un exil Politique et à la malédiction de Dieu qui les transformera en esclaves des hommes et rendra leur déchéance publique.


Les deux facteurs importants qu'il nous faut considérer sont d'une part l'omniscience de Dieu, et d'autre part son amour. Dieu sait toutes choses et il nous aime. Sa volonté est donc de toute évidence que nous puissions suivre le meilleur chemin pour notre vie, que lui seul connaît vraiment (Pour ceux qui me demanderaient : "Où est-ce écrit ?", je répondrais que c'est une vérité implicite qui découle naturellement de textes explicites). La question se pose alors : Dieu va-t-il nous imposer cette volonté ?


Non, parce que dès la création de l'homme, il lui a donné la faculté de choisir, car c'était là un préalable indispensable à la relation d'amour qu'il voulait établir avec sa créature (Un amour obligatoire, préprogrammé, n'est plus un amour). Il n'a donc jamais voulu que sa créature fût un pantin dont il tirerait les ficelles.


Dieu nous guide si notre foi et nos prières lui demandent conseil. L'homme n'est pas pré-programmé pour être dans une fonction précise, ni dans un plan précis, ni dans une cause, ni dans une détermination de sa vie. Aussi méfiez-vous de ceux qui flattent votre orgueil, de ceux dont les conseils ne sont pas gratuits, des formes d'obligations, de secrets à ne pas dévoiler, de contraintes de toutes sortes qui vous embrigadent dans des limites qui ne sont pas les vôtres, dans une soumission à des règles, à des groupes, à des gourous, dont les seules ambitions sont de vous maintenir en esclavage.


La Liberté que Dieu nous donne n'a pas de comparaison avec les chaînes que les hommes mettent aux autres hommes. La Fraternité que Dieu nous donne est sans égale à la Fraternité des groupes, des sectes, des lois des hommes. La Liberté que Dieu nous donne est sans égale, et n'est pas entravée par des Lois d'oppression, d'obscurantisme, de privilèges, et de monarchie. L'Egalité que Dieu nous donne, n'est pas une égalité de circonstances, c'est une inégalité à partir de laquelle on peut construire de vrais talents, une vraie vie, et se passer d'une égalité d'hommes identiques clonés voués à un Faux Maître. Le destin s'oppose au libre arbitre, par le fait que selon certains, notre destin nous serait imposé, et que nous n'aurions aucune influence sur nos vies, de quoi rassurer les Politiques qui nous préfèrent domestiqués. 


Elle a largement commencée la domestication des êtres humains, par les illuminatis qui seraient une espèce humaine et trafiquée par les extraterrestres, par les Francs-maçons, qui ni Francs ni Maçons, pratiquent leur façon de voir les choses, avec leur grand secret, dont il faut jurer le conserver et mourir avec ou mourir avant, acte d'humilité et de libre arbitre, pensée unique et journaux appartement à la Presse des dirigeants, éducation tronquée, informations mensongères, complot universel, vaccins et médicaments mortels, puçage et écoutes illicites, surveillance et censure, ondes télépathiques de méthode Coué, automatismes psychologiques et absence de tout contrôle exercé par la raison, asservissement des foules par des salaires insuffisants et création de fausse monnaie par les Riches et les puissants Banksters, contrôle des naissances, contrôle des identités, contrôle des soins, contrôle de l'éducation, .....la liste est trop longue pour indiquer le principal, le Peuple Souverain de la Révolution Française, est devenu le Peuple des larbins et des soumis. Ce n'est pas le concept de la Laosophie, qui demande de revenir au centre du débat, le respect du Libre Arbitre de l'homme et de ses choix.

Nous connaissons tous la parabole des talents que l’on trouve dans le Nouveau Testament chez Matthieu (XXV – 14, 30). Le problème est qu’elle est souvent comprise à l’envers car le formatage judéo-chrétien nous pousse souvent à trouver correct le contraire de ce que nous dicte la logique.


Dans cette parabole pourtant, les choses sont clairement dites. « Un homme partant en voyage a appelé ses esclaves… » Les choses sont claires concernant les rapports entre les hommes de l’histoire, l’un est le maître absolu des autres. Il ne s’agit pas d’un père et de ses enfants mais d’un maître et de ses esclaves. Il leur distribue ses talents — qui sont la plus forte monnaie romaine, dont la valeur est par comparaison équivalente à 6000 drachmes — de façon non pas égale mais « à chacun selon sa force » nous dit le texte. Donc, le maître ne traite pas ses esclaves sur un pied d’égalité mais en fonction du retour qu’il en espère… et il ne sera pas déçu.
Les deux premiers esclaves cultivent et développent le talent donné par leur maître de façon à lui rendre deux fois ce qu’ils ont reçu mais le troisième enterre l’argent afin de rendre exactement ce qu’il a reçu.
À son retour le maître établit son jugement selon ce critère de rentabilité. À celui qui lui rend le plus de talents il promet le pouvoir sur beaucoup, au deuxième également qui rapporte moins mais qui avait moins au départ. Quant au dernier, il adresse une remarque peu compatible avec son état d’esclave : « Seigneur, je te connais, tu es un homme dur, tu moissonnes là où tu n’as pas ensemencé, tu ramasses là où tu n’as pas semé. Effrayé, je m’en suis allé cacher ton talent dans la terre ; vois, tu as ce qui est à toi. ». 
La réponse du maître est sans équivoque. D’une part il manifeste sa surprise d’avoir été percé à jour sur sa propre malhonnêteté que vient de lui révéler l’esclave : « Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas ensemencé et que je ramasse là où je n’ai pas semé ? ». L’esclave n’est donc pas aveugle et ne s’en laisse pas conter par la différence de niveau social ; il a jaugé son maître et lui administre une appréciation froidement réaliste. Ensuite, il reproche à cet esclave de n’avoir pas déposé cet argent en banque pour garantir a minima un petit intérêt à son maître. Alors le maître finit de révéler sa nature en exigeant que l’on retire le talent de cet esclave pour le donner à celui qui en a le plus.
Vous l’avez compris, contrairement à ce que les religions judéo-chrétiennes disent de cette parabole, le vrai chrétien dit que ce maître n’est pas Dieu mais le démiurge, que les deux premiers esclaves sont des hommes qui n’ont pas encore connu l’éveil et qui suivent les ordres de leur maître comme le dit Jean en VIII-44 : « Vous avez pour père le diable et vous voulez ce que désire votre père. ». 


Le troisième esclave est manifestement un éveillé qui ne se laisse mener ni par la ruse, ni par la crainte. Il dit son fait à son maître et agit ainsi qu’il le doit pour rester conforme à sa conception des rapport qu’il faut entretenir avec un tel maître. Pour résumer son action on peut la décomposer. 
D’abord, il est esclave et accepte son état sans regimber. Il prend ce que son maître lui donne mais là s’arrête son apparente passivité. Sachant la vraie valeur de ce que son maître lui donne et comprenant le piège qui lui est tendu, il veille à la fois à ne pas faire croître ce qui lui est remis et à ne pas le dégrader. Il le conserve donc en état et le rend tel qu’il l’a reçu. 
Ensuite, il montre bien par son discours que ce n’est pas par incompétence ou par paresse — contrairement à ce que dit son maître pour sauver la face — qu’il a agi, mais en pleine conscience et en toute volonté. Ce qui revient à dire qu’il est conscient de son état mais qu’il n’en a cure car en fait il est le plus libre des trois.
Que nous donne le maître ?
Il est intéressant que la monnaie romaine ait donné lieu à la création d’un substantif homonyme désignant une qualité personnelle spécifique à chacun. Ce n’est pas par hasard me semble-t-il, mais dénote bien à quel point cette parabole fut mal comprise en son temps. En effet, cette monnaie qui brûle les doigt devient une qualité dans notre langage courant.
Passons. Que sont ces talents que nous donne le démiurge ? En fait ils ont une sorte de point commun qui montre bien leur origine à qui fait preuve d’attention. Ils semblent toujours venir de nous, voire ils pourraient parfois sembler venir du Dieu d’amour car ils peuvent faire le bien, et à aucun moment le maître ne se montre en face. D’ailleurs il est amusant de constater comment l’imagerie collective, que ce soit dans des œuvres littéraires ou cinématographiques, tend à montrer d’autres talents qui eux affichent clairement leur caractère maléfique et qui sont d’ailleurs souvent contrés à la fin.
Non, nos talents nous sont toujours présentés sous un jour positif — la Mal est bon vendeur — et nous laissent croire que les utiliser et les développer ne peut nous mener qu’au service du bien.
Cela est vrai des talents immédiatement identifiés de façon positive. Tel a le talent de créer des objets ou des œuvres d’art qui sont utiles à ses contemporains ou qui leur ravissent les sens. Tel à le talent de soulager les souffrances morales ou physiques, de corriger les handicaps ou les effets de la maladie et tous y voient quasiment un miracle divin. Tel a le talent de dépasser sa condition matérielle et de se projeter dans un monde extra-sensoriel d’où il pourra accéder à des connaissances susceptibles de l’aider à corriger chez d’autres ce qui apparaît comme injuste et malveillant. Qui ne pourrait dire que de tels talents sont universellement ressentis comme positifs ?
D’autres talents sont ambigus et sont appréciés différemment selon le point de vue de chacun. Le talent de réaliser des fortunes qui serviront ensuite à aider les démunis, celui d’inventer ou de créer des moyens qui permettront à l’humanité de progresser dans sa maîtrise de l’environnement serviront aussi au bien-être général. Mais en fait il est facile de comprendre le côté sombre de ces talents. La richesse ne s’acquiert qu’au détriment d’un autre que l’on vole ou que l’on appauvrit. Les découvertes positives sont le plus souvent des ouvertures à des utilisations mauvaises et destructrices de l’homme et de son environnement.
Pour autant, faut-il faire fructifier les premiers et rejeter les seconds ? Ma réponse va sans doute en surprendre beaucoup.
En fait, je voudrais d’abord vous faire comprendre que, de mon point de vue, il n’y a pas de bon talent. Tous les talents mondains — les extra-sensoriels inclus — sont de nature mondaine, donc maligne. Dieu ne nous donne pas de talent, car il n’intervient pas en ce monde. Nos talents provoquent des destructions visibles ou non sur les autres mais surtout sur nous. D’abord, contrairement au troisième esclave, nous nous laissons endormir par nos talents. Ils flattent notre ego car ils nous font différent des autres. 
Or, ce que nous enseigne le christianisme c’est que nous sommes tous membres égaux d’un tout unique. Ils nous valorisent en nous laissant croire que nous bénéficions d’une attention particulière de Dieu alors qu’en fait le diable ne fait qu’agiter le fil de la marionnette que nous sommes et cette agitation nous avons même tendance à l’amplifier, comme les deux premiers esclaves augmentent le bien du maître. Nous faisons du bien avec notre talent ? Oui, surtout à nous mais en fait ce bien qui ne vient au mieux qu’atténuer un peu du mal de ce monde vient surtout resserrer les chaînes des uns et des autres. 
Quand nous soignons un corps malade, nous soulageons une souffrance en créant deux maux. Le premier nous place en situation de pouvoir face à celui que nous soulageons, que nous le voulions ou pas, d’autant que ce sentiment est souvent partagé par celui que nous soulageons et, là-dessus nous n’avons pas la capacité de faire admettre la réalité. Le second est que nous transformons en faux bien ce qui est un vrai mal. L’esclave lui ne s’en laisse pas conter. Il ne cherche pas à soulager la souffrance qui l’entoure avec le talent du maître. Non, il l’enterre et le laisse là où il espère que ce talent aura le moins d’interactions possible avant le rendre à son propriétaire. Si je soigne un corps je révèle que ce corps est imparfait dans sa conception, que son concepteur est lui-même imparfait et au lieu de provoquer une prise de conscience chez celui qui est la première victime de cette imperfection, je provoque au contraire l’émerveillement quant au talent que j’ai reçu et le fond du problème est ainsi masqué. 
Donc, nos talents, apparemment bons ou clairement douteux, sont en fait identiques. Mais faut-il pour autant refuser de les utiliser comme l’esclave le fait dans la parabole ?
Que devons-nous faire de nos talents ?
En fait, j’ai oublié de préciser qu’il est un talent qui nous est donné à tous de façon égale. Il s’agit en fait de notre enveloppe charnelle que l’on appelle aussi : la vie ! En effet, pour la plupart, la vie est un don du ciel, un merveilleux talent mais pour nous c’est une prison.
Ce talent est celui de la parabole. C’est celui-là que l’esclave enterre et rend identique à ce qu’il a reçu à son maître. Comme lui il convient que nous le préservions, sans le détruire et sans le valoriser, jusqu’au moment où le maître de ce monde nous le reprendra pour le donner à un autre.
Pour nos autres talents, nous pouvons essayer de les mettre au service de l’esprit, mais le plus important est la lucidité.
Il faut à tout prix éviter de se laisser tromper par les intentions du maître. Ces talents sont comme un cheval fougueux qui nous est remis sans nous dire qu’en fait il dépasse nos compétences à le mener. Notre talent ne demande qu’à nous échapper pour provoquer d’immenses dégâts dans notre cheminement spirituel.
Il faut donc utiliser nos talents positifs au regard du monde pour essayer d’atténuer les souffrance ou le mal sans céder à l’illusion que nous sommes maître de ces talents, sans laisser notre sensualité (j’entends par là nos cinq sens) prendre le dessus afin de nous valoriser de ce que nous réalisons grâce à nos talents et sans nous croire propriétaire de ce qui nous est donné par le mauvais maître. Soyons « l’esclave inutile » (Matth. XXV-30) que le maître souhaite envoyer dans le pire endroit possible. Plus le maître du monde, et par extension le monde lui-même, nous détestera, plus nous pourrons croire suivre la bonne route.
En effet, quel pire camouflet pour lui que de nous voir utiliser les talents qu’il nous a remis pour permettre à l’esprit qui nous habite de contrecarrer partiellement son œuvre ? Enfin, viendra le jour où il nous demandera à nous aussi ce que nous avons fait de nos talents et nous pourrons lui rendre le talent ultime que nous tenons de lui : notre enveloppe charnelle, en lui disant enfin ses quatre vérités qui accompliront la révélation de notre parfaite lucidité qui nous ouvrira le chemin de retour vers la création d’où nous sommes éloignés depuis si longtemps.
Voilà le seul message de ce petit mot. Gardons notre totale lucidité sur nos talents et n’oublions pas que tout ce qui brille n’est pas d’or et que ce qui valorise notre sensualité est forcément mondain, aussi extraordinaire que cela puisse nous paraître. L'Humilité vous garde.

Le LAOS des TALENTS ou MNAS 
Nous avons vu précédemment qu'à Athènes, le talent a un poids légal de 60 mines ou ΜΝΑΣ, soit 25,86 kg d'argent. En unité monétaire, le talent équivaut ainsi à 6 000 drachmes
Nous avons vu également que le mot ΜΝΑΣ (Talent, Mine) associé à LAOS (le Peuple pris dans son ensemble, le Peuple de Dieu) se retrouvait sur un jeton ou monnaie obsidionale (La monnaie obsidionale est une monnaie frappée dans une place assiégée), de l' île de Lesbos ou Lesvos appelée également Mytilène, face à la Turquie.
Cette monnaie était un droit de vote et de participation à l'Assemblée du peuple de la ville d'Erésos, lieu dit scala Erésous (plage d'Eresos), au VIIème siècle avant notre ère. Cette monnaie a été retrouvée dans le temple d'Aphrodite de la ville, qui était gérer à cette époque par la célèbre SAPPHO, poétesse et prêtresse d'Aphrodite (revoir l'histoire dans la Laosophie).

Mytilène est, dès l'Antiquité, la principale cité de Lesbos. Elle est peuplée d'Éoliens venus de Thessalie et de Béotie. Avant la fin du VIIIe siècle av. J.-C., elle participe activement à la colonisation grecque, en particulier vers laTroade, l'Hellespont et la Thrace ; elle envoie également des colons à Naucratis2. Elle est dominée par deux genoi(clans) aristocratiques, les Penthilides, des Atrides descendants du légendaire roi Penthilos, fils d'Oreste, et les Cléanactides. Au viie siècle av. J.-C., elle est gouvernée par le tyran Mélanchros, qui finit assassiné, puis par le tyran Myrsilos2 qui place les autres cités de l'île (Pyrrha, Antissa et Érésos) sous son autorité, sauf Méthymne. Au début du vie siècle av. J.-C.Pittacos, l'un des Sept Sages, est appelé pour gouverner sa cité natale comme aisymnète3. Ville natale d'Alcée, elle est alors l'un des centres majeurs de la poésie lyrique.
La Laosophie du Talent et Libre Arbitre est le fondement de la cité antique au VIIème siècle avant notre ère de la Ville d'Erésos, et Aristote et Platon réfèrent cette citée comme le berceau de la Démocratie participative et directe, dont les élus sont tirés au sort pour porter les décissions de la ville et les aspirations du Peuple auprès du Roi ou du Tyran qui assiège les villes non soumises.